mercredi 29 juin 2016

S-21


Je me souviens de choses que je n'ai pas vécues...


Quand j’étais petit, j’assistais parfois à des discussions animées en vietnamien  dont je ne comprenais rien. Quelques noms revenaient régulièrement dont un facile à retenir par sa drôle de phonétique: Pol Pot.
Puis j’ai vu la gorge serrée,  « La Déchirure » film poignant (1985) nommé aux Oscars et même aux Césars dans la catégorie du meilleur film étranger. 
Et un dimanche après-midi d’ennui en 2003 à Aix en Provence, je suis rentré par hasard au cinéma. Aucun film intéressant à l’affiche mais un film documentaire « S-21 ». La brièveté du titre aiguisa ma curiosité : j’ignorais complètement le sujet en entrant dans la salle obscure. J’en ressorti bouleversé.

Je viens de visiter avec émotion S-21 à Phnom Penh (Cambodge). Le site est devenu un musée avec un mémorial en hommage aux 20 000 victimes torturées et assassinées dans cette prison. 

En 1975, les Khmers rouges dirigés par Pol Pot prennent le pouvoir au Cambodge et instaurent pendant 4 ans un régime de cruautés, d’esclavagisme, de nihilisme et de terreur. Le simple fait de porter des lunettes  (synonyme d’intellectuel) ou de ne pas avoir les mains suffisamment sales  (pas assez travailleur) vous condamnait à mort de suite ou après quelques jours et nuits de tortures pour que vous inventiez tous les aveux souhaités.
En 4 ans, ce régime est responsable de la mort de deux millions de Cambodgiens soit un quart de la population du pays. Même si la page est tournée, chaque famille  garde une blessure vivante de ce cauchemar.

Avant d’être la prison de sécurité numéro 21, Tuol Svey Prey (Colline des manguiers sauvages) était une bien jolie école de quatre bâtiments de 3 étages entourant une cour et des jardins. Qu’il devait être agréable de flâner ou de se reposer à l’ombre de ces arbres ! Au rez-de-chaussée, certaines salles de classe ont encore leur tableau fixé au mur. A sa libération en 1979, S-21 ne comptait que 7 survivants. Aucun prisonnier n'a jamais pu s'échapper de cette prison.

Je me souviens de ces lieux que j'ai vus il y treize ans au cinéma. Je me souviens du témoignage de Vann Nath : il rencontrait 25 ans plus tard ses geôliers pour tenter de comprendre l’incompréhensible. Cet artiste peintre a signé de nombreux tableaux pour raconter les atrocités en mémoire des victimes anonymes. Vann Nath est décédé le 5 Septembre 2011.

Les photographies et les instruments de tortures encore présents n'épargnent pas le visiteur de l'horreur passée. Les sols et les murs hurlent encore le cauchemar des prisonniers.
Douch, le bourreau de S21 et proche de Pol Pot a été condamné en appel en 2012 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il est toujours vivant.

Le devoir de mémoire incombe à chacun et en particulier à l’Education Nationale. Il ne suffit pas de scander à tout bout de champs « plus jamais ça » mais bien de comprendre les mécanismes de la machine génocidaire pour refuser personnellement d’en être un rouage, aussi bénin soit-il.
Enseigner l’histoire est une formidable occasion de susciter des réflexions, des émotions et finalement l’empathie nécessaire pour tirer les vraies leçons de l'histoire: se souvenir dans sa chair et dans son cœur de toutes ces choses qu’on a pas vécues.


Pour en savoir plus, le documentaire sorti en 2003 :

"S21, la machine de mort Khmère Rouge"





4 commentaires:

  1. Peu d'europeens s'interessent à cette ignominie qu'a été cette barbarie cambodgienne...
    Evidemment que ce film "la déchirure" a été un miroir sur cette horreur...
    L'acteur Haing S Ngor (le héros de la déchirure) a ecrit un livre "l'odyssée Cambodgienne" !! Son histoire personnelle sous le régime de Pol Pot
    Je te le conseille... je l ai lu et relu et il reste mon livre de chevet depuis 30 ans... une vie de simple cambodgien qui m a marquée au fer rouge ...Ce pauvre auteur a fini sa vie sous les balles aux etats unis... comment finir comme cela apres avoir echappé à la mort mille et une fois au Cambodge. ..
    j ai travaillé ds ma jeunesse avec une famille de cambodgiens, elle a vecu cette horreur et m en a raconté quelques chapitres... l'ignominie à son comble. ..
    J'ai par ces petites experiences une affection particulière pour ce peuple cambodgien, meurtri par la folie d'un homme... Pol Pot resonne en moi comme l ignominie humaine. .. c'était hier...plus jamais cela et pourtant ..tant de peuples vivent la barbarie encore aujourd'hui...

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  2. Et ba ça remet en place ! En effet ce dt etre bouleversant

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  3. Je suis francaise, née en 1974, de cette tragédie je n en.connaissais rien...seul deux mots tres mysterieux polpot et khmer. Une vague idee de guerre civile... voilà je reconnais mon inculture. Alors par ce texte...tu m appris ...merci! A moi maintenant de chercher ces deux films pour savoir! Devoir de memoire collective et universelle..

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