dimanche 10 avril 2016

La fin du monde


Ce n’est pas une nouvelle prophétie maya ni la suite de  j’ai vraiment crû ma dernière heure arrivée.  
« La fin du monde » est simplement l’autre nom de la ville la plus australe de notre globe : Ushuaia. Après cinq jours à découvrir Buenos Aires et 2400 kilomètres plus au sud, me voici dans un autre monde à 350 kilomètres du cercle polaire. 
Me voici à la fin du monde.


  Pour mieux comprendre l’Argentine...

« Le meilleur investissement est d’acheter un Argentin à sa vraie valeur pour le revendre au prix qu’il croit valoir ». Le Pape François. 
L’Argentine est totalement latine et Buenos Aires un immense quartier latin. D’ailleurs, un Argentin est  un Italien qui parle espagnol et qui se prend pour un Français. Ça permet de mieux comprendre l’Argentine : une jeune nation  élégante et fière. C’est dire si je suis loin des Mayas et des Incas.

Mon tout premier souvenir d’Argentine date de 1978 : Je me rappelle parfaitement la finale de la coupe du monde de football : L’Argentine bat les Pays-Bas dans les prolongations, deux buts de Mario Kempes. De la folie dans le stade. C’est l’époque noire des régimes militaires dictatoriaux.

Je me rappelle la guerre des Malouines en 1982 entre l’Argentine et l’Angleterre... (Ces deux pays ont dû être choisis selon leur ordre alphabétique !) Une affiche improbable qui résonne comme une demi-finale de coupe Davis. Entre les appelés argentins et les Royal Marines  britanniques, il n’y a pas prolongations. La Dame de fer précipite la chute des généraux et pourtant le peuple argentin n’a jamais digéré cette défaite. 

1986 : quart de finale de la coupe du monde entre l'Argentine et l'Angleterre : « La main de Dieu » signe le premier but, et le deuxième but de la victoire est sacré aujourd’hui comme le but du siècle. Maradona écrit sa légende en remportant la coupe du monde et l’Argentine tient sa revanche contre l’Angleterre. 

L’histoire de l’Argentine est un tango permanent entre ses heures sombres et ses éclairs de génies. 

Mieux comprendre l’Argentine ne me permet pas toujours de tout comprendre ! les Argentins « chochotent » (rajoutent le son « ch » partout) et quelques jours me sont nécessaires pour m’habituer à cet accent à couper au couteau!


Bienvenue à Buenos Aires.

Après Iguazu, direction Buenos Aires. Une première étape à Posadas : La ville est complètement déserte puisque j'arrive en plein week-end pascal. Une nuit pour me reposer et re-bus le lendemain matin tôt. Pour moi cette année,  Pâques c'est Urbi et Turbo.
Puis quelques jours à Corrientes avant d’arriver dans la capitale après 14 heures de bus de nuit. En Argentine, les routes sont de qualité et le confort est au rendez-vous : des hôtesses vous servent régulièrement des plateaux repas et des boissons comme dans les avions.

Arrivé dans la capitale, je descends dans le quartier du vieux Palermo et pour une fois, j’ai pris soin de réserver à l’avance mon hostal (Art Factory). Ça tombe bien, l’établissement jouit d’une excellente réputation affiche complet : le bouche à oreille fonctionne bien pour cette adresse atypique. Une vieille usine désaffectée rénovée et décorée façon Street Art. Sympa et pas cher !

Hostal Art Factory dans le vieux Palermo de Buenos Aires

Don't cry for me Argentina.

Je  fredonne cette chanson à tout bout de "chant". Hymne magnifique en hommage à Eva Peron, surnommée affectueusement Evita par les Argentins. Cette grande dame morte à 33 ans, est une icone pour son courage et sa passion, mais surtout pour son engagement auprès des plus pauvres et sa victoire pour le droit de vote des femmes. Une belle histoire de Cendrillon avec une fin tragique.

     
                                              Eva Peron 1919-1952                                                                                             Don't cry for me Argentina, Madona

Sa tombe assez modeste se trouve au cimetière de Recoleta. L'attrait du lieu dépasse de loin la célébrité de ses éternels habitants. Tous les guides en font un site touristique prioritaire de Buenos Aires. Je ne vais jamais dans un cimetière, même un jour de Toussaint. Mais je dois reconnaître que ce dédale d'allées étroites recèle une architecture funéraire impressionnante.

Métropole de style européen, Buenos Aires allie avec élégance cosmopolitisme et nostalgie. Je retrouve  partout cette atmosphère de bistrots parisiens très branchés dans un mélange d’édifices coloniaux, Belle Epoque et modernistes. 

La ville est divisée en dix quartiers distincts.
Palermo viejo, des ruelles calmes le jour et très animées le soir : tout le beau monde et les étudiants investissent les nombreux restaurants traditionnels et autres chics bars à cocktail. Le plus latin des quartier de Buenos Aires.

Le quartier le plus hétéroclite est sans aucun doute le quartier de la Boca à l'embouchure du Riachuelo. Les ouvriers d'origine italienne qui s'installèrent autour du port laissèrent une empreinte indélébile : en décorant leur façade avec des restes de peinture pour bateau, ils donnèrent naissance à El Caminito, une rue pittoresque et colorée, et avec leurs voisins espagnols et gauchos, ils inventèrent le tango. Quartier sans soucis en journée, il devient dangereux parait-il le soir et la nuit. Je visite ce quartier sous une pluie torrentielle.

Quartier de la Boca

Le marché de San Telmo.

Dimanche est jour de marché (antiquités) à San Telmo, et le marché c'est jour de fête. Dans la rue les groupes de musiciens jouent et chantent avec quelques démonstrations de tango. San Telmo dégage un air de grandeur fatiguée et un esprit bohème. Il fait soleil aux terrasses et tout le monde parle à tout le monde dans cette atmosphère tranquille et festive. Ce marché revêt un charme sans prétention. Je m'y sent bien.

Quartier de San Telmo
Bons vents !

Cinq jours dans la capitale argentine ou j'y retrouve grâce à Whatsap Oana (Espagnole-Française-Roumaine) de Cuzco et on se donne rendez-vous pour (enfin) goûter le meilleur bœuf du monde dans une parilla (restaurant barbecue) traditionnelle accompagné d'un bon vin local (les Malbec). Puis retrouvaille également avec Ana, la polonaise de "la grande évasion".

Quelques clichés de Buenos Aires
Traduction littérale de Buenos Aires: "Bons vents". C'est l'heure de partir. J'avais un peu "peur" de cette grande ville, la seconde la plus peuplée d'Amérique du Sud (Après Sao Paulo.) Mais avec ses petits quartiers très occidentaux, j'ai entraperçu le charme doux-amer de cette ville très parisienne mais sans son stress. 

Mon arrivée à Ushuaia : pas le temps de souffler !

Non Marie, Ushuaia n'est pas seulement une marque japonaise de savon douche.

Dans l'avion, je discute avec ma voisine, une personne âgée qui visite ses petits enfants à Ushuaia. Horaire d'atterrissage respecté à 19h30. J'ai réservé mon hostel : comme je m'attends à un choc thermique, je n'ai pas envie de chercher, sachant qu'ici la vie est bien plus chère. Première excellente surprise : une fois mon sac à dos récupéré, j'aperçois Mamie dans le hall qui me fait de grands signes : Elle m'attendait pour me proposer de me conduire directement à mon hostel !

C'est la fin de l'été, la fin de la haute saison et il reste encore quelques belles journées ensoleillées : la période parfaite ! Néanmoins, vers 20h00, le choc thermique est bien au rendez-vous : entre -5 et 0 degré alors que cet après midi il faisait au moins 25 sur Buenos Aires ! J'ai bien évidemment prévu la tenue adéquat.

C'est un petit appartement en guise d'hôtel qui m'attend avec cuisine équipée, deux chambres, salon-séjour et cinq personnes déjà présentes. Je suis accueilli comme on accueille un nouveau membre dans la famille. J'ai à peine le temps de poser mon sac à dos que je me retrouve embarqué dans le centre ville pour manger et goûter quelques breuvages locaux... Retour vers 2h00 du matin... Et avec quelques bières dans le pif, nous voici les meilleurs amis du monde!

Le lendemain rebelote : je suis en train de petit-déjeuner lorsqu'on me prévient qu'une randonnée est organisée pour la journée, départ dans 20 minutes ! Je ne sais pas ou on va, ni pour combien de temps, mais je suis d'accord, juste le temps de préparer mon sac randonnée... Une arrivée sur les chapeaux de roue mais Dieu que c'est sympathique !

Première randonnée : Le glacier Vinciguerra :

Deux taxis nous conduisent directement au pied du sentier : sept kilomètres à travers la  forêt de tourbe, puis un sentier dans les massifs rocheux, et enfin le sommet enneigé. Il y a du soleil avec des températures assez basses. Je découvre mes premiers paysages de la Patagonie argentine : le rouille automnal et la clarté de la lumière blanche. La neige n'a pas encore déployé son manteau. Tout est vert aux pieds des sommets enneigés.






La randonnée devient de plus en plus difficile du fait de la neige gelée. Avec Jorge et Celeste, par précaution, nous décidons de faire demi-tour : nous ne connaissons pas la géographie du site, le temps peut changer en moins de cinq minutes et nous ne sommes pas équipés pour la neige et la glace. Le reste du groupe par à l'assaut du sommet et rentrera à l'auberge bien plus tard. Nous profitons de notre temps pour admirer silencieusement les paysages.
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons chez un habitant pour qu'il puisse nous appeler un taxi : en attendant, il nous ouvre en grand les portes de sa maison et nous offre boissons chaudes et gâteaux.

En moins de 24 heures, une famille locale me conduit de l'aéroport à l'hôtel, je passe une super soirée dans un pub et sympathise avec d'autres voyageurs. Une magnifique randonnée le lendemain et un argentin nous offre l'hospitalité. Bienvenue à Ushuaia !


Une ville devenue touristique.

A l'origine, Ushuaia est un petit port à proximité du canal de Beagle qui relie l'Atlantique au Pacifique. L'activité portuaire reste présente même si presque toute l'économie de la ville est liée au tourisme, de façon directe ou indirecte. Aujourd'hui, Ushuaia est la capitale de la province "Terre de feu, Antartique et Iles de l'Atlantique Sud" et compte plus de 50 000 habitants.

La baie d'Ushuaia comprend de nombreuses îles dont une pingüinera où des dizaines de milliers de pingouins et de loups de mer viennent se reposer entre Novembre et Avril. Malheureusement, c'est la fin de la saison, et je n'ai donc pas voulu faire cette excursion pour entrapercevoir deux pingouins. Les touristes (beaucoup de Français) viennent pour les treks et les nombreuses randonnées dans les parcs nationaux.

Sans pouvoir réellement la qualifier de "belle" ville, je lui trouve un charme sauvage et rude lié à ses conditions climatiques et à son isolement.




Le parc national de la Terre de Feu

J'ai envie de me promener seul dans ce parc naturel de la Terre de feu. Les premiers voyageurs espagnols observèrent de nombreux feux sur les côtes septentrionales.

Dans quelques semaines, le paysage sera blanc, ce qui ne manquera surement pas de charme. Une douzaine de kilomètres à parcourir, en rencontrant sur les chemins de nombreux Français. Quelques échanges de principe mais je veux avant tout profiter de cette nature dans le silence et marcher "les yeux fixés dans mes pensées."


Par chance, le soleil est au rendez-vous mais j'ai dû alterner tenue chaude et froide au moins une dizaine de fois !

Je vous laisse admirer les paysages.





C'est fou comme se promener seul dans la nature, c'est se promener avec soi-même. Pour la première fois, je me surprends à réfléchir sur les conditions de ma future vie à mon retour en France. Je n'ai que des interrogations sans réponse. Je chasse ces pensées qui me sont désagréables. Je ne suis pas pressé de rentrer, pas plus à l'hôtel qu'en France.

Un peu à l'écart du chemin, je trouve un emplacement de choix : un peu en hauteur, face à la lagune et à un sommet enneigé. Il y a même un peu d'herbe sèche et le soleil me caresse le visage. Parfait pour prendre mon temps. Derrière cette montagne il y à l'Antartique. Je me sens vraiment à la fin du monde.



5 commentaires:

  1. On pourrait juste dire ...
    Putain que c est beau!!! ca fait rever !!!
    Ton post me fait penser à une de mes amies qui a embarquée a Ushuaia il y a 20 ans, sur un voilier pour aller decouvrir l'Antarctique. .. les pinguoins, les orques les baleines. ..ces iceberg qui deambulent sur cette mer glaciale...
    Et ce fameux passage du Drake. .la bete noire des navigateurs...
    Des photos magiques ...moi qui suis une piètre photographe amateur mais une fan absolue de ces reflex qui refletent notre regard ... a chaque lecture de tes posts je les imagine avec mon oeil de "photographe"...
    Continue de nous régaler...
    Bises Fabrice

    Dorothée

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  2. [je-ne-suis-pas-un-robot]
    Que de jolies photos !
    Tu arrêtes un peu de me prendre pour un cornichon !!!!

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  3. plein les yeux et plein les rêves...
    Blntt

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  4. C'est quand même très risqué de marcher les yeux dans tes pensées... Tu vas te prendre les pieds dans les méandres des soucis d'avenir etc... Urbi et Turbo t-ont'ils laisser le temps d'apprendre quelques pas de tango ? N'hésite pas à les envoyer valser s'ils ne te donnent pas le bon temps, je veux dire la bonne mesure ! continue à bien profiter du bout de tous les mondes. Fais le pour nous !
    J'adore tes photos
    Gros bisous
    Corine-ta-sœur

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